Médecins – Comment choisir au bon moment entre le régime micro-BNC, l’EI BNC, l’EI à l’IS et la SEL ?
Un médecin en BNC n’a qu’un seul flux de revenus le BNC qui subit automatiquement 55% d’IR et cotisations SSI/CARMF. Un médecin en SEL à l’IS dispose de 5 flux de revenus allant de 15% à 55% de prélèvements fiscaux et sociaux (IS, dividendes, prix de cession fonds, rémunération fonction technique et dirigeant…)
Le principal objectif fiscal d’une restructuration sociétaire pour un médecin est de créer d’autres catégories de flux de revenus, pour avoir la capacité de ne plus subir la fiscalité et répartir son CA dans plusieurs tunnels de taxation selon ses besoins.
Reste à savoir à quel moment le médecin doit passer d’un schéma à un autre, du micro-BNC au réel, de l’IR à l’IS ?
1. LES SCHEMAS DE STRUCTURATION ENVISAGEABLES POUR LES MEDECINS
Plusieurs modes d’exercice, au régime juridique et fiscal propres, s’offrent au médecin souhaitant s’installer.
1.1. L’ENTREPRISE INDIVIDUELLE DE MEDECINS A L’IMPOT SUR LE REVENU
Mode d’exercice le plus courant chez les médecins, l’entreprise individuelle permet d’exercer en son nom propre et seul. Les revenus issus de l’activité de médecin en entreprise individuelle relèvent de la catégorie d’imposition des bénéfices non commerciaux (BNC). L’on distingue toutefois deux régimes d’imposition distincts susceptibles de s’appliquer à ce statut :
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Le régime fiscal dit « Micro-BNC »

Ce régime fiscal s’applique de plein droit lorsque le chiffre d’affaires est inférieur à 77.000 €.
Le bénéfice imposable est déterminé par l’application d’un abattement forfaitaire de 34% (sans justificatif) au chiffre d’affaires réalisé.
L’avantage de régime fiscal réside dans la simplicité de la gestion comptable de l’entreprise.
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Le régime fiscal dit « Régime réel BNC »
En présence d’un chiffre d’affaires supérieur à 77.000 sur deux années consécutives, s’applique obligatoirement le régime réel d’imposition. Dans cette hypothèse, le bénéfice imposable est déterminé suite à l’application des charges déductibles effectivement engagées, sur justificatif.
Ce régime fiscal suppose la tenue d’une comptabilité.
1.2. L’ENTREPRISE INDIVIDUELLE DE MEDECIN A L’IMPOT SUR LES SOCIETES
Il est possible d’exercer en entreprise individuelle et d’opter pour l’impôt sur les sociétés. Cette structuration permet de créer une personnalité fiscale distincte, multipliant les flux de revenus :
- Le bénéfice réalisé est d’abord imposé à l’impôt sur les sociétés.
- Par suite, la rémunération que s’attribue le médecin est déductible de l’impôt sur les sociétés et soumise à l’impôt sur le revenu dans la catégorie BNC par principe (avec éventuelle possibilité de taxation en salarié assimilé sous régime article 62 du CGU avec abattement de 10% en cas d’application du BOFIP BOI-RSA-GER-10-10-20 propre à l’EI IS).
- Il est également possible pour le médecin de se rémunérer au titre d’une distribution de dividendes (attention après paiement de l’IS) :
- Pour la part inférieure à 10% du bénéfice net, une imposition à la Flat Tax à hauteur de 30 % (12,8% au titre de l’impôt sur le revenu, et 17,2% au titre de prélèvements sociaux).
- Pour la part supérieure à 10% du bénéfice net, les dividendes sont intégrés dans l’assiette des cotisations sociales SSI/CARMF (environ 30%) à la place des prélèvements sociaux, mais sont déductibles de la rémunération taxable du gérant en application de l’article 154 bis du CGI, à l’exception de la CRDS (0,5%) et de la CSG non déductible (2,4%).
1.3. LA SOCIETE D’EXERCICE LIBERAL (SEL) A L’IMPOT SUR LES SOCIETES
Cette structuration sous forme sociétaire permet d’être soumis à l’impôt sur les sociétés sous une forme sociétaire en rajoute des flux d’imposition.
2. LES QUESTIONS ESSENTIELLES A SE POSER AFIN DE DETERMINER LA STRUCTURE A PRIVILEGIER
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Ai-je intérêt au cours des 1ères années à bénéficier du régime micro-BNC ?
La base forfaitaire des cotisations sociales est minorée au cours des deux premières années d’exercice (la régularisation résultat du chiffre d’affaires réel déclaré intervient seulement en N+2). De ce fait, les cotisations dues en N et N+1 sont relativement faibles et il est donc moins avantageux de les déduire au réel que de bénéficier de l’abattement forfaitaire de 34% dans lequel elles sont comprises.
=> Exception l’intérêt du micro-BNC : En cas de recours au dispositif d’exonération dit ZFRR, il est obligatoire d’être soumis au régime réel : cette considération conduit à privilégier ce régime au détriment du régime micro-BNC.
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A partir de quel moment vais-je sortir du régime micro-BNC ?
Le régime micro-BNC cesse de s’appliquer en N en cas de dépassement du seuil (77.000 €) pendant deux années consécutives (N-2, puis N-1) en application du BOI-BNC-DECLA-20-10 n°100. Donc même si un médecin dépasse les 77 000 € de CA en N et N+1, il pourra bénéficie du micro en N et en N+1 car en N-2 il ne dépassait pas le plafond de CA.
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Quand passer à l’Impôt sur les sociétés ?
Au moment où votre BNC dépasse vos besoins de vie : l’idée est de limiter l’assiette des revenus soumis à cotisations SSI/CARMF et au barème de l’impôt sur le revenu (environ 55% donc le plus fort niveau de taxation en France) aux seuls revenus dont vous avez besoin pour votre train de vie.
Le reliquat des bénéfices non utilisé pour couvrir vos besoins ayant vocation à être épargné, il est préférable de le soustraire de cette imposition élevée et de limiter son imposition au taux de l’IS, bien plus faible (15 % jusqu’à 42.500 € et 25% au-delà).
Ces revenus épargnés au sein de la SEL de médecin ou une holding vont avoir un effet de levier exponentiel par rapport à une épargne personnelle car le net disponible à épargner après IS est bien plus important qu’après cotisations et IR (ex : sur une base de CA 100, il restera 79 après IS VS 45 après IR et cotisations en perso, le placement en SEL sera plus important et générera donc plus d’intérêts).
L’équipe de Docteur Fiscal travaille en étroite collaboration avec les gérants d’actifs du cabinet Wealthier Life Capital, spécialiste de l’investissement de la trésorerie de SELARL/SELAS/Holding.
La trésorerie excédentaire de la SEL pourra par la suite être appréhendée en cas de besoin via des flux à optimiser (rémunération, dividendes, plus-values…).
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Passage à l’IS – Pourquoi faut-il comprendre le double niveau d’imposition sur les dividendes et le prix de cession du fonds pour arbitrer avec la rémunération ?
Dans le cadre d’une SEL à l’IS, trois flux de revenus aux médecins sont envisageables, chacun possédant une fiscalité propre.
Cette fiscalité permettra d’orienter le choix (ou le panachage) entre ces options :
- La rémunération au titre des fonctions techniques et de direction subit une taxation élevée mais sur qu’un seul niveau d’imposition : elle imposée entre les mains du médecin à l’impôt sur le revenu dans la catégorie BNC par principe, avec possibilité de taxation en traitement et salaires avec abattement de 10% si les fonctions de direction de l’entreprise sont clairement distinguées des fonctions techniques d’exercice de l’activité de médecin.
En revanche, la rémunération du médecin est déductible de l’Impôt sur les sociétés, ce qui diminue l’imposition préalable au niveau de la société, il y a donc qu’un seul niveau d’imposition.
- Les dividendes subissent quant à eux une double-imposition : le bénéfice est d’abord taxé à l’IS (15% ou 25%), puis distribué aux associés sous forme de dividendes, imposés
- Pour la part inférieure à 10% du capital social : Flat Tax à hauteur de 30 % (12,8% au titre de l’impôt sur le revenu, et 17,2% de prélèvements sociaux)
- Pour la part supérieure à 10% du capital social : 12,8% à l’IR et aux cotisations sociales SSI/CARMF à la place des prélèvements sociaux. Contrairement aux prélèvements sociaux (17,2%), si les cotisations sociales sur les dividendes sont plus élevées (environ 30%), elles sont déductibles non seulement du résultat de la SEL en cas de prise en charge par la société, mais également de la rémunération taxable du gérant à l’exception de la CRDS (0,5%) et de la CSG non déductible (2,4%) CGI, art 154 bis / RM Frassa Senat question n°12909 – 3 septembre 2020
- Le prix de cession du fonds payé par la SEL au médecin subit également une double imposition : en cas de passage en SEL par cession du fonds libéral d’une EI soumise à l’IR, le médecin cédant perçoit un prix de cession générateur d’une plus-value professionnelle taxée à la Flat tax au taux de 30 % si le fonds est détenu depuis plus de deux ans.
Le fonds libéral acheté par la SEL au médecin est un actif non amortissable, ainsi le paiement du prix de cession par la SEL n’est pas une charge déductible de l’IS, ce qui va donc générer de l’IS avant paiement de la flat tax sur la plus-value au niveau du médecin.
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Comment choisir entre l’EI à l’IS ou la SEL à l’IS ?
Schémas de structuration |
Avantages |
Inconvénients |
Docteur en EI avec option à l’IS |
– Formalités simplfiées (lettre d’option IS) |
– En cas de passage en SEL ultérieur de l’EI IS, la plus-value de cession du fonds libéral subira 2 niveaux d’imposition (i) au niveau de l’EI IS à l’IS (ii) puis au niveau du médecin paiement de la PV en sursis + paiement d’appréhension du prix de cession de l’EI IS. – Investissement limité (contrats de capitalisation exclue) – Absence de possibilité de créer une holding, ce qui prive le médecin d’une fiscalité avantageuse en cas de projets de réinvestissement des bénéfices (les dividendes remontent en supportant un taux de taxation de 30% contre 1,25% en SEL détenue par une holding) – Impossibilité de s’associer avec d’autres médecins ou d’anticiper une transmission familiale |
Docteur en SEL à l’IS |
– Possibilité de vente à soi-même du fonds libéral, créant un flux de revenu supplémentaire à la fiscalité stratégique – Possibilité d’envisager la constitution d’une holding type SPFPL et/ou de droit commun en vue d’optimiser les remontées de dividendes, ce qui favorise les investissements – Possibilité de placement de la trésorerie excédentaire – Possibilité de s’associer (transmission de l’entreprise favorisée) |
– Formalités plus lourdes de création (inscription à l’ordre, immatriculation au greffe, rédaction documentation sociétaires…) |
3. LES PRESCRIPTIONS DE DOCTEUR FISCAL
Aux fins d’illustration de ces règles, prenons l’exemple concret de trois Docteurs :
- Docteur X débute son activité de médecin et génère un CA de 130.000 €, et a comptabilisé 10.000 € de charges en année N :
- En régime réel, le BNC imposable serait de 120.000 € (130.000 – 10.000) ;
- En micro-BNC, le BNC imposable serait de 85.800 € (130.000 * 66 %), soit une évaluation forfaitaire des charges de 44.200 €.
- Prescription : Docteur X débutant sont activité de médecin à de faibles charges sociales, il a tout intérêt à être soumis au régime du micro-BNC, même en dépassant le seuil de CA du micro-BNC dès N, il pourra bénéficier de ce régime pour une durée de 2 ans (en N et N+1).
- Docteur Y génère 200.000 € de CA et 70.000 € de charges en N+2, soit un bénéfice de 130.000 €. Il a un besoin de vie annuel de 120.000€.
En l’espèce, il n’y a aucun intérêt à passer à l’IS dans la mesure où il ne dispose pas de trésorerie excédentaire significative (son bénéfice couvre quasi intégralement ses besoins de vie).
Un passage en SEL serait opportun seulement s’il souhaite s’associer.
- Docteur Z génère 180.000 € de CA et 50.000€ de charges en N+2, soit un BNC de 130.000 €. Il a un besoin de vie annuel de 60.000 €.
Dans la mesure où il dispose d’une trésorerie excédentaire annuelle d’environ 50.000 € par an, Docteur Z a tout intérêt à passer en SEL à l’IS, afin de pouvoir placer sa trésorerie excédentaire après simple application d’IS et éviter de faire subir à son épargne l’IR et les cotisations SSI/CARMF.